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[Voyages] Rajasthan (re)visité

Voyage, voyage… pas plus loin que les retours réguliers au bercail lorrain, pas plus loin que quelques escapades amicales allemandes ou portugaises, pas plus loin qu’un week-end ou deux en côtes bretonnes (quelques quarts d’heure de route à peine)… dans tout ça, il y a les nécessités familiales, budgétaires et la conscience écologisée, et sans doute une frousse du largage d’amarres accompagnée d’un nid encore trop à s’approprier.

Pourtant mes origines s’encardinalisent de nord-est européen et d’un petit bout de sud de France, mes rêves d’adolescente me portaient vers la verte Erin, encore jamais vue vingt ans plus tard, chacun de mes enfants porte un (ou des) prénom(s) d’ailleurs ou presque, et chacun d’eux se passionne pour un bout de monde plus ou moins grand et lointain – sans rapport avec leur prénom, notez, et même la plus jeune qui « choisit » des drapeaux sur une affiche depuis quelques mois -, si on le laissait faire le père de ces enfants tapisserait la maison de cartes diverses et s’intéresse même à leurs dessous, on m’a offert quelques tissus sortis de valises émerveillées… Lorraine, Bretagne, Allemagne, Portugal, Pologne, Irlande, Inde, Chine, Australie, Afrique, Royaume-Uni, Maghreb, Mexique, Népal, Vietnam… “plouf, plouf, ce sera toi”…

Mais il faut du fil. Du fil qui donne sens et naissance à un humble projet au milieu d’une ardue reprise du boulot en saignant après congé parental, au milieu des nuits et des jours entamés par les terreurs terribles et joyeux virus d’une famille nombreuse, et après trois gros projets urgentisés (et même pas encore publiés) pour un mariage de fin d’été.

Ma bibliothèque me dé-livre quand je me replonge dans “Textiles et vêtements du monde” de Catherine Legrand. Ce sera une jupe inspirée des jupes rajasthani, qui se composent de 36 trapèzes de tissus coupés tête-bêche dans un métrage de tissu imprimé à la main au blockprint. Je n’ai pas ce genre de tissu, mais un chambray imprimé de motifs ikat-like, en plissant les yeux on pourrait le croire teint à l’indigo et le motif parfaitement aligné par les mains d’un artisan local. C’est du tissu industriel, mais tant pis, rêvons. Et adaptons ! Une jupe courte pour une fois, moins de trapèzes pour une ampleur plus quotidienne (21 pour rester dans la table de 3), un ourlet caractéristique avec un biais jaune et un biais rouge (et je dis plus jamais de biais polycoton de flemmarde qui aurait mieux fait de le faire elle-même pour plus de souplesse), et une ceinture en jersey pour le confort et le seyant, plutôt que la bande froncée au cordon des originales.

Je commence une semaine avant la clôture du concours, heureusement que les découpes sont géométriques et répétées, que les coutures bien que nombreuses sont droites et que je refuse de me complexer sur le jersey à la mac. Le biais rouge me fend le cœur de sa raideur indécatissable, mais je n’ai plus le temps d’arranger ça, rien dans le stock ne correspond en couleur ou en taille de coupon.
Premier essayage avant la couture intérieure de la ceinture. Et si… et si je remontais mon panneau de jersey tout doux comme un bustier. Oh, pile la bonne hauteur et que c’est joli et agréable (et que je ne me casserai pas la tête à trouver un haut idoine) ! Et il reste juste ce qu’il faut pour deux bretelles assorties (obligatoires si je veux pouvoir bouger sans stripteaser), qu’une fois encore à l’épinglage-contorsion sur la bête je me targue de poser en pans libres et bords francs (pliées en trois dans la largeur elle peuvent se déployer en mancherons, et le bout coupé en biais flottant dans le dos). Voilà un mince rappel des voiles portés par les femmes rajasthani, même si les miens ne porteront aucune récolte de millet – et pour causes ! Le bustier fixé à la machine à point élastique sur la jupe est fini aux petits points presque invisibles à la main pour l’ourlet du décolleté et les bretelles, j’avais trop peur de tout gâcher autrement (en fait, si, je dois l’avouer, j’ai un complexe sur le jersey à la mac).

Voyage, voyage, il est temps de se mettre en images… Toute seule et avec les moyens du bord, vu la dernière ligne droite avant publication et le doux soleil inquiétant que novembre offre encore aujourd’hui. Jouons le jeu jusqu’au bout, je me pseudo-khôle les yeux, je me bijoute de quelques bracelets d’Asie de longtemps offerts, j’hésite pour m’envoler avec écolohérence entre la balançoire et l’avion en papier, et voilà !

 
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