Revue - patrons basés sur les robes de Vionnet
Je possède deux livres qui présentent des patrons basés sur des modèles de Madeleine Vionnet. Avoir des patrons de coupe à plat pour des modèles qui ont été drapés peut paraître incongru mais ces livres m'ont permis de me rendre compte de l'inventivité et de l'ingéniosité de cette grande couturière. Et peut-être un jour, de m'en inspirer...
Le livre Vionnet de l'Ecole de mode japonaise Bunka Fashion School
Le modèle de couverture est le patron n°28, et une robe similaire de 1934-1935
Ce livre n'est disponible qu'en japonais. C'est un assez grand format. J'ai trouvé une traduction de l'introduction et il y est écrit qu'il s'appuie sur celui de Betty Kirke (quasi indisponible ou à des prix exorbitants). Les patrons sont dessinés sur une grille avec carreaux où 1 carreau correspond à 10 cm. Malheureusement, le carreau lui-même fait 1.2 cm, et non 1 cm, ce qui n'est pas du tout pratique. Je ne comprends pas le japonais, donc la taille reste un mystère, mais il est clair que les marges de couture ne sont pas comprises.
Vingt-huit modèles ont été dessinés et recréés. Le livre est en noir et blanc, mais j'ai pu retrouver des photos de certaines des robes originales (sur le site du Metropolitan Museum of Art) et je les ai mises en vis-à-vis des modèles du livre dans cet article. Il y a quelques explications schématiques de la couture, mais qui restent limitées. Cependant, mes premiers tests à l'échelle 1:5 semblent fonctionner, alors cela peut peut-être suffire selon votre motivation. Des lettres à faire correspondre sont aussi présentes sur les patrons, permettant de se faire une idée assez juste des techniques de construction. Les tissus des réalisations ne sont pas toujours à la hauteur, je pense qu'il ne s'agit pas toujours de soie et que cela s'en ressent.
Une page du livre avec le patron - les explications - L'original, au Metropolitan Museum
Les modèles 15 (une combinaison avec jupe culotte de type cercle), 14 et 7 dans le livre.
Le modèle 19 du livre, qui est une robe du soir de 1929. C'est ma préférée et je l'ai cousue en version "poupée" pour tester la construction, qui repose sur des goussets losanges et des jupes circulaires/ovales.
Le modèle 8 du livre est une robe du soir de 1934 - Le modèle 6 du livre est basé sur une robe de style Art Déco de 1922, présente dans la collection du Musée des Arts décoratifs à Paris
Robe de 1920 correspondant au patron 27 - la robe "aux mouchoirs" dont la construction est décrite par le patron 3.
Concernant la coupe, plusieurs aspects sont marquants :
- une vingtaine de modèles sont coupés dans le biais, au moins partiellement. Pas très étonnant venant de l'inventrice de ce genre de coupe.
- le forme des pièces est complètement différente de mes habitudes de coupe à plat. Il y a généralement peu de pièces par vêtement... à deux exceptions près, où des découpes décoratives sont créées pour changer de tissu (voir le modèle Art Déco ci-dessus, ou le modèle 7 composé de 153 rectangles !)
- les goussets, souvent insérés sur les côtés ou entre la jupe et le corsage, sont de formes géométriques variées : losanges, triangles, demi-cercles, rectangles, carrés.
- des fentes sont régulièrement utilisées pour assembler une pièce sur l'autre, créer un décolleté en V, former une jupe en pétales. C'est fascinant de lier ces pièces au moulage, où la couturière devait couper sa pièce, rajouter un gousset, etc. de manière désinhibée.
- les jupes sont souvent de type cercle, ou ovale, avec une très grande largeur. Madeleine Vionnet commandait par exemple des pièces de 2 m de laize chez les soyeux lyonnais. Donc dans le livre, ces morceaux ont une couture en plus pour pouvoir rentrer dans le tissu.
- il y a beaucoup de coupes asymétriques, au niveau des épaules, des ourlets, des jupes, des dos.
- les manches sont souvent coupées à même le devant ou dos, et assemblées de manière drapée.
- L'usage des pinces est rare (car le biais n'en a pas toujours besoin).
Le livre Patterns of Fashion 2 de Janet Arnold
Ce livre "patronne" des robes présentes dans différents musées, datées de 1860 à 1940. Cinq robes de Vionnet sont présentées, dont deux déjà "patronnées" dans le livre japonais décrit ci-dessus (la robe Art Déco modèle 6, et une robe du soir de 1921-22 en crêpe romain couleur cuivre). Les patrons sont dessinés également sur quadrillage, mais la mise en œuvre est moins détaillée que dans le livre de l'école de mode Bunka.
La couverture du livre - un des modèles de Vionnet dessiné dans le livre et une photo de l'original
Deux autres des modèles présentés dans le livre - une robe du soir de 1929-30 (dessin du livre de J. Arnold) et une robe du soir avec pantalon "zouave" de 1918.
Robe du soir de 1921-1922 - le modèle patronné et réalisé dans Vionnet en japonais - le patron correspondant dans Patterns of fashion 2
Pour conclure, si les techniques de construction de Vionnet vous intéressent, si vous souhaitez progresser sur des techniques de coupe ou de construction originale, le livre Vionnet est fait pour vous. L'assemblage des pièces de patrons me semble essentiel pour comprendre la technicité de Vionnet, la structure de la robe prenant en compte à la fois l'anatomie féminine, le drapé et grain du tissu, et la géométrie de la coupe. J'en suis au stade de "j'y vais ou j'y vais pas", avec la peur de perdre ma belle soie. Je vais tenter des toiles dans des tissus fluides de seconde main (aïe, ça risque d'être du polyester). Je ne suis pas sûre que la toile suffise à complètement éviter les ajustements futurs dans ce genre de "patron" où le tissu et son drapé sont critiques, mais au moins, je "débuggerais" la construction.
Si l'histoire du costume vous intéresse, alors les livres de Janet Arnold sont remplis d'informations fascinantes (et je ne fais pas de couture historique). Certaines Needlenautes sont de talentueuses recréatrices de vêtements historiques, avez-vous des conseils ?
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Merci SunShine !
J'ai le livre japonais depuis longtemps... j'ai commencé par faire quelques modèles en papier et en taille réduite pour tester le montage, et puis j'en ai fait un en feutrine (ça se tient et ça ne s'effiloche pas et on peut oublier les marges de couture en cousant les morceaux "bord à bord", pratique pour tester ces montages curieux, beaucoup moins pour le rendu et la fluidité... on pourrait tester en polaire pour des raisons similaires et un meilleur rendu, mais j'avais la feutrine sous la main) notamment le patron de manteau... j'ai fait quelques "toiles" (2 en fait) de robe, et haut, en toile de coton (pareil, ça se tient, ça permet de tester, en taille réelle cette fois, effectivement les marges sont à ajouter et c'est parfois problématique)... et je me suis aperçu du travail inctoyable des japonais : à partir du drapé, ils ont complètement reconstruit les patrons et les ont adaptés à la morphologie actuelle... japonaise... qui n'est pas forcément la notre... bref : je n'ai pas été plus loin que ça jusqu'à présent... même si un top et le manteau (20) me tentent bien... tu me donnes envie de m'y remettre !
Merci pour cette revue SunShine. J'ai deux volumes de Patterns of Fashion de Janet Arnold, ce sont deux grands classiques pour la couture historique.
Comme les patrons reproduits sont ceux de robes existantes, il y a un double travail à faire : agrandir le patron et le mettre ensuite à sa taille. J'ai déjà reproduit plusieurs modèles (une robe 1er empire, un caraco XVIIIe, une jupe 1914, un corsage de bal 1860) en utilisant la technique de la projection radiale que je serais bien incapable d'expliquer clairement par écrit, mais qui consiste à partir du patron miniature pour lui ajouter des coefficients d'agrandissement qui correspondent à des mesures de référence en largeur et en hauteur (notamment le tour de taille et la hauteur du buste). Dans le processus, les toiles sont inévitables, mais je m'en suis sortie à l'époque (vers 2013-2014 et je ne cousais pas depuis très longtemps).
À chaque fois que j'ai reproduit des vêtements de ce livre, j'ai été bluffée par la forme et la construction. Rien que le jeu de plis de la jupe 1914 m'avaient convaincus qu'il n'y a rien de tel qu'un patron historique pour avoir la vraie forme supposée des vêtements. Je n'ai jamais tenté les modèles de Vionnet et j'avoue que ça me fait beaucoup trop peur pour l'envisager. ^^
Bravo pour ton travail d'expérimentatrice ! Envie de te suivre. C'est vrai que se lancer directement en belle soie, olé ! C'est un peu chaud...Certaines laines fines ont un tombé fabuleux, un peu plus lourd mais vraiment fluide. Ce n'est guère moins cher :( juste plus facile à coudre. Je partage ta réticence vis-à-vis du polyester : chaud en été et froid en hiver, insupportable presque tout le temps...Quoique : la "microfibre" -difficile de savoir de quoi il s'agit quand on achète ça- est d'un conctact que je trouve bien plus supportable. Ma robe "Soulages" avec une part en microfibre et l'autre en polyester common garden me fait expérimenter ça en même temps. Du crêpe microfibre alors ? Le tombé ne sera jamais celui de la soie lourde, mais assez élégant. Et ça permet d'essayer.
Merci encore pour cet article très documenté et bien expliqué ! ça fait bien envie tous ces livres.
Merci pour cet article très intéressant et bien documenté ! Beau travail !
@Lune_Bleue merci pour ton retour. Je vais devoir me pencher sur la question morphologique car je suis loin du gabarit japonais (je suis plutôt grande)
@lucie_mdhda effectivement tous les patrons du livres sont fascinants, et je suis contente de voir que je ne suis pas la seule qui est intimidée par ceux de Vionnet
@missumlaut-Kikoo je n'ai pas encore expérimenté grand'chose mais je cogite. Je pensais aussi au crêpe de coton pour une toile portable. La belle laine est d'un prix similaire à la soie. Il y aurait la viscose mais ça me fait un peu mal au à mon petit coeur d'écolo
@genov merci pour ton intérêt
@Meline-Couture merci ! maintenant il faut que je me remonte les manches ;)
@SunShine le patron 22 est un ensemble composé d'une veste d'une jupe et d'un petit haut sans manches... Le petit haut sans manche est un "basique" assez droit avec des pinces poitrine, une petite basque à la taille et juste un col avant en bénitier dans le biais... faire une toile en te basant sur les mesures des carreaux, te donnera une bonne idée de la taille des autres patrons... j'avais trouvé les mensurations sur lesquels les patrons du livre sont basés, mais je ne m'en souviens plus et j'ai oublié où j'avais trouvé l'info (probablement dans une revue de patrons japonaises qui faisait la pub du livre, si j'arrive à remettre la main sur cette information, je te dis...)