Introduction au patronnage zéro déchet
Nous sommes nombreux.ses ici à souhaiter coudre de manière durable (par exemple, sur le forum), y compris dans nos choix de tissus, dans l'utilisation de notre stock ou de chutes, le recyclage de vêtements ou de draps pour faire nos toiles. Ces pistes m'ont récemment menée à me pencher sur la démarche du patronnage zéro déchet.
Et je me suis retrouvée comme Alice au pays des merveilles, tombant de plus en plus profondément dans le terrier du lapin blanc. Voici donc une modeste introduction au patronnage zéro déchet ou zero waste fashion design pour les anglophones.
Historiquement :
Les patrons "zéro déchet" sont en plein développement dû à une conscience écologique et éthique accrue mais ils existent depuis aussi longtemps que les vêtements eux-mêmes. Le tissu était autrefois une denrée précieuse et les vêtements, qu'ils soient utilitaires ou luxueux, étaient fabriqués avec un minimum de déchets, en utilisant des triangles, des carrés et des rectangles.
Dans l'antiquité :
Peplos grec / chiton (aussi en Grèce antique et à Rome) / toge romaine
Pour les vêtements médiévaux :
Images gauche et milieu tirées du livre The medieval tailor's assistant / à droite, sur le site I love historical clothing
Plus tardivement, Madeleine Vionnet, par l'utilisation innovante de drapés et du biais du tissu, maximise la surface utilisée avec pas ou peu de gaspillage (en tout cas pour certains de ses vêtements).
La robe dite "mouchoir" de Madeleine Vionnet, est composée de quatre rectangles.
Au travers des cultures
De nombreuses cultures pratiquent également le patronnage zéro déchet : les saris indiens, les kimonos japonais ou encore les huipils en étant probablement les exemples les plus courants. Et ces coupes simples permettent de faire briller d'autant plus les motifs ou broderies du tissu.
Sari / kimono / Huipils du Guatemala
La prise de conscience écologique et les patrons "zéro déchet"
De nombreux paramètres entrent en compte lorsque l'on souhaite orienter la confection de vêtements vers une démarche (plus) écologique : consommer moins ou recycler, utiliser des tissus produits avec des fibres et des processus plus respectueux de l'environnement, ou encore diminuer le gaspillage...
L'industrie de la mode est une des plus polluantes au monde. Entre 15 et 20% de la surface de tissu utilisée pour le prêt-à-porter finit comme déchet, généralement dans les pays émergents qui confectionnent les vêtements. D'où l'idée d'utiliser créativement la surface entière du tissu en jouant sur l'orientation des pièces, les drapés, en utilisant chaque "chute" comme parementure, décoration, ou ruban de biais, en modifiant les courbes d'emmanchures etc. En pratique, les différents morceaux du vêtement s'emboîtent comme les pièces d'un puzzle.
Cette contrainte, comme souvent, a mené à des innovations dans les plans de coupe, les modèles, ou les techniques de fabrication utilisées.
47% du tissu a été économisé pour faire ce costume trois pièces (source)
Le trench Karma de Milan AVJC - source
La veste de Sam Formos, présentée sur le blog de Timo Rissanen (source)
Affaire à suivre... un prochain article est prévu pour présenter une sélection de patrons zéro déchet. Avez-vous déjà testé ce genre de patrons ?
Pour aller plus loin:
- Le collectif Zero Waste Design Online (lien) réunit quatre créatrices qui partagent leur expérience au travers de vidéos, d'ateliers en lignes. J'ai pu participer à une discussion en ligne (en anglais) destinée aux couturiers et couturières amateurs (vidéo ici) et c'était fascinant.
- Le livre de Timo Rissanen et Holly McQuillan.
- Le blog de Timo Rissanen
- Le site de Danielle Elsener
- Le site de Holly McQuillan
Le crédit de toutes les photos est sur le lien sous l'image. En accueil, un exemple de décharge en Inde.
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Jamais testé encore, j'ai découvert le concept récemment grâce à toi justement. Hâte de découvrir ta sélection!
Je plussoie j'ai découvert milan avjc et le patronage zéro déchet récemment et je trouve ça passionnant! Merci pour ces découvertes, je vais aller voir ces blogs avec plaisirs.
Je m'interesse au concept depuis un bon moment déjà ! Ayant du mal a trouver des patrons (Milan AC par exemple étant plus adapté aux grandes rectangulaires) je fais mes propres essais, à partir de petits dessins trouvés sur le web. La veste de la dernière photo, je la veux ! J'ai même un tissu parfait pour - ou des trucs personnels. Mais expérimenter sans compétence particulière en patronnage n'est pas évident pour une amatrice. On comprend facilement que ce n'est pas simple non plus pour quelqu'un formé (ou pas...) aux méthodes classiques. La gradation par exemple devrait être obligatoirement paramètrique pour s'adapter aux différentes tailles en conservant les formes.
J'espère que cette tendance va prendre le dessus, à la fois pour l'industrie (même si le moteur dans ce cas n'est pas fait de bons sentiments) et pour le patronnage des indés.
En attendant, merci pour le partage des liens ! Tout ça mérite bien une belle discussion dans ce fil, avec peut-être aussi un bilan à conserver. Et je propose l'usage de tags "gâchis minimal" et "zéro gâchis" dans les projets couture ...Le tricot étant à priori zéro gâchis par essence.
@CharliePop d'ici quelques semaines
@marilouqui en effet, je trouve la démarche non seulement écologique mais aussi passionnante et créative.
@missumlaut-Kikoo alors en effet, la gradation fait partie des complications, on ne peut pas faire des homothéties (parfois, genre pour les accessoires). Il est plus facile de faire du "moins de déchet" que du "zéro gâchis". Si tu maîtrises la langue de Shakespeare, le collectif Zero waste design online propose des ateliers ou des formations. Pour le tricot, il y a parfois aussi du gâchis avec le concept de pelote (oui parce que ce n'est pas si évident d'utiliser toutes ces fins de pelotes dépareillées) mais c'est différent pour la couture.
Bonjour,
Merci pour cet article bien interessant.
@ missumlaut-Kikoo : le tricot est sans déchet parce qu'à part le rentré des fils, en effet on ne jette rien mais en fait, pas tant que cela, parce que ce n'est pas si facile que cela d'évaluer la quantité de fil nécessaire dès que l'on s'écarte un peu du modèle (taille, longueur, fil différent) ou que l'on conçoit soi-même son modèle. Il existe des méthodes pour calculer la quantité nécessaire mais ça reste quand même un peu approximatif. Mais oui, même si on a des restes de laine, cela n'a rien de comparable avec les restes de tissu.
Pour le tricot une entreprise malouine high-tech se lance dans un projet de tricotage 3D très interessant, à la fois par le produit fini (sans coutures) et le fait que ça ne génére pas de déchets dus à la coupe. L'idée étant de produire de petites séries à la demande, avec une bonne réactivité.
https://3d-tex.fr/
Une de mes soeurs se spécialise dans les tricots à rayures avec ses fins de pelotes : gros boulot de calcul ! Je la vois tricoter et détricoter avec une patience obstinée qui m'effraie presque :). Zyva la feuille Excel pour ses modèles !
@missumlaut-Kikoo, merci pour le lien, c'est une super bonne idée ! Je n'ai pas vu leurs clients mais c'est prometteur !
C'est passionnant ! Merci pour ce balayage très complet, ça me donne envie d'en savoir plus car j'imaginais que cela se cantonnait aux formes simples. Quel teasing pour la suite !
Merci pour ce post.
Je m'interesse au concept pour deux raisons : ècologique bien sur mais aussi èconomique, n'ayant pas un budget extendible quand j'achète un tissus ke reflechis à l'avance au metrage dint j'aurais besoin. Elsa couture avait une video pour calculet son metrage en fabriquant outils. Et Ensuite j'essaye d'optimiser le tissus. Ce qui me reste si je peux je le transforme en biais.
@Mousse ça ne se limite pas aux triangles et rectangles mais par contre, je pense que certaines contraintes comme les têtes de manches deviennent tout de même compliquées à gérer (pas impossible tu verras - et re-teasing...)
@Soline en effet, certains patrons sont très économiques en tissu par rapport à la version "traditionnelle". Et faire du biais dans certains tissus pour utiliser les chutes, c'est top. Je garde aussi mes plus grandes chutes pour les poches, les transformer en triplure coton etc. L'utilisation des chutes, c'est un autre sujet mais tout aussi intéressant
Waouh ! C'est un autre monde... Mais c'est surtout un Luna Park créatif qui se profile, sans rien de punitif, au contraire !