La couture au masculin #3 : les needlenautes 2/2
Nous allons aujourd'hui à la rencontre de 3 nouveaux needlenautes qui n'ont pas peur de braver les idées reçues sur les hommes et la couture !
Patrick
Les débuts ...
Situé au cœur du parc de la vallée de Chevreuse, le Château de Breteuil invite des groupes costumés pour assurer ses diverses animations au cours de l’année. Aussi, il y a quelques années, j’y suis allé en famille et je fus émerveillé par la beauté des costumes en particulier les robes à crinoline. Alors je me suis mis à la recherche de groupes et d’associations afin de connaître ces personnes qui m’ont donné l’envie de les rejoindre. C’est à cette époque que j’ai fait la connaissance de Catherine, Présidente de l’Association « Le Bal de Versailles ». Une fois par semaine un petit nombre de personnes se regroupaient autour d’un atelier de couture pour réaliser des merveilles : j’y ai adhéré sans attendre. Et oui, la plupart des costumes sont réalisés par les personnes qui les portent. Ce sont des passionnés des événements historiques. Si les patrons de couture me paraissent facile à comprendre (je travaille dans le bâtiment et les plans n’ont pas de secret pour moi) ; pour atteindre mes ambitions, j’ai dû prendre des cours de couture auprès de costumières « Les Vertugadins ». Il faut dire que la location de costumes représente un budget important et réaliser ses propres costumes est économique. Cela m'apporte beaucoup de plaisir, voir une œuvre d’art se construire au fur et à mesure. Oui une œuvre d’art, car la réalisation d’un costume historique représente beaucoup de temps, beaucoup de recherches pour les tissus, les accessoires. C’est une autre manière d’aborder l’Histoire de France. C’est aussi un plaisir d’échanger avec les autres personnes présentes aux ateliers.
Face aux autres ...
Je suis envahissant. Machine à coudre, tissus, éléments de patrons, il y en a partout et la cuisine devient l’Atelier ! Sinon, mon entourage est très curieux et me pose beaucoup de questions sur les sorties costumées, mes projets. Malgré tout, c’est plus difficile pour un homme de se mettre à la couture. Je le vois bien au niveau des ateliers, nous ne sommes pas très nombreux à participer. Aussi, je pense que les hommes n’osent pas afin d’éviter des railleries. Un homme doit faire de la mécanique, du sport, du bricolage et non de la couture. Moi, je suis curieux et la cinquantaine bien passée, je me moque des opinions des autres. Sinon, pour la morphologie, ce n’est pas évident de coudre avec de gros doigts ! Mais j'ai quand même eu l'occasion de transmettre cette passion à ma grande fille. Elle est venue aux ateliers et elle coud maintenant pour son loisir aussi. Enfin, je participe aux forums pour transmettre mon modeste savoir et informer des futurs passionnés.
Les projets ...
J'envisage la réalisation d’une robe à tournure et peut-être d'un costume militaire ; costumes que je pourrais broder. Oui, depuis peu j’utilise un logiciel de dessin et une brodeuse machine.
Antoine
Les débuts ...
Quand j’avais 8 ans, j’ai commencé à tricoter avec une de mes grandes-tantes, je suppose comme pas mal de monde. Je me rappelle que je trouvais cela absolument magique de pouvoir créer une forme avec un bout de fil de laine. Le mystère du montage des mailles… ces petits gestes rapides et précis de ma tante avec ses aiguilles, qui créaient peu à peu une chaussette, un pull… Et puis j’ai oublié jusqu’à mes 19 ans environ où j’ai repris, tout seul cette fois, et grâce au net. La couture, je m’y suis mis plus tardivement, il y a 1 an environ. Pendant la préparation d’un opéra pour enfants (je suis musicien), j’ai été amené à visiter les ateliers Berthier, c’est-à-dire les immenses locaux dans lesquels sont entreposés tous les costumes de l’Opéra National de Paris. Et je peux vous dire qu’il y en a partout, dans tous les placards, sur les portants, dans des coins, des recoins ; des accessoires, des robes à paniers, à volants, cintrées, des queues de pies, des jupes de toutes les couleurs, longues, courtes, années 20, 30, 40, 50… des chemises… il y a de tout. La costumière a présenté ce qu’elle avait créé pour les enfants, et notamment de petites veste en tweed, très années 50, magnifiques. Je me suis aussitôt dit : « j’en veux une pareille. » Et mes débuts dans la couture ont eu pour but de me faire une veste rétro en tweed… Ce que cela m’a apporté donc dans un premier temps, c’est une bonne dose de problèmes, qui ont été source de mon bonheur ensuite. Je m’explique. J’ai commencé la fameuse veste, j’ai beaucoup lu sur les forums et les sites consacrés – internet m’a appris 99% de ce que je sais maintenant, mais avec le tissu dans les mains, ce ne fut plus la même affaire ! Et c’est ça le secret du plaisir de cette activité pour moi, c’est que c’est le réel qui compte ! On se retrouve à essayer de dompter une matière qui résiste, à lui faire prendre des formes qu’elle n’a pas au départ, à la tordre, la tendre, l’arrondir, la presser pour ensuite en apprécier le confort ou la beauté (le montage d’une manche, le travail sur un revers, un dessous de col, une poche passepoilée… en sont à mon sens des exemples frappants). « Je me mets au défi de faire quelque chose de ce coupon » : c’est beaucoup ça la couture, non ? Après il y a le choix des tissus et un plaisir sensuel d’aller voir, toucher, que je ne me connaissais pas (au début si je ne passais pas au Marché Saint-Pierre une fois par semaine j’étais en manque), et enfin il y a la grande satisfaction de porter quelque chose de soi. Ce qui me rend fier, ce n’est pas tant que le vêtement soit unique, c’est surtout que je sois responsable de sa confection du début à la fin ; je me sens autonome, utile, j’ai accompli un besoin essentiel, me vêtir, et en plus je trouve ça beau.
Face aux autres ...
Je n’ai rencontré aucune hostilité ou incompréhension. Il a juste fallu que je donne de sérieuses preuves de mon activité de couturier à des collègues qui refusaient de croire que j’avais fait mon trench, parce qu’en effet ce n’est pas très courant je le reconnais, mais passée la surprise les gens sont charmés et bienveillants. En général quand je dis que je couds, on admire ma patience, mais à travers cette remarque je pense que ce que les gens admirent encore, et c’est heureux, c’est le travail manuel. Ma famille proche me soutient et m’encourage depuis le début, d’ailleurs ils n’arrêtent pas de passer des commandes, même si c’est un peu dur de suivre pour l’instant ! Maintenant savoir si un homme a plus de difficultés à se mettre à la couture ou au tricot qu’une femme, je pense que la réponse est oui sans hésitation. Sinon pourquoi pensez-vous que les hommes sont moins présents que les femmes ? Ils n'ont pas la couture dans les gênes ?! Ca ne les intéresse pas ? Ils préfèrent bricoler, réparer des motos, jouer au foot ? Un peu sexiste, non ? Me mettre à la couture m’a fait prendre conscience que notre société, aujourd’hui encore, ne s’interroge sans doute pas assez sur ses codes, et je trouve qu’à l’heure où la parité est un débat central en France, il est plus que tout important d’abattre les vieilles cloisons que les générations précédentes ont érigées entre les deux sexes. Je ne pense pas que l’idée reçue que « Monsieur bricole dans son garage pendant que sa femme s’adonne aux ouvrages de dames dans son salon » soit encore complètement sortie de l’imaginaire collectif. C’est de cette seule idée préconçue et caduque qu’il faut se débarrasser pour se lancer, parce que passé cela, on ne rencontre que des réactions positives. Je tricote dans le métro et le RER à peu près tout le temps et les réactions sont toujours amicales. Je lie conversation avec certains et passe un moment fort sympathique. Je me souviens même d’une fois où une dame d’un certain âge m’a dit : « Je suis honteuse, je ne sais pas faire tout ça, moi » puis en parlant un peu plus, elle m’a appris que son grand hobby c’était… de construire des meubles. Ca m’a fait bien rire parce que moi je ne sais pas visser deux planches droites ! Les vieux préjugés eurent la vie dure ce jour-là… Plus concrètement, ce qui est plus difficile quand on est un homme, et qu’on arrive à dépasser la question des idées reçues (par exemple à ne pas se vexer quand un blog sur deux est écrit exclusivement au féminin – ça peut semble un détail mais je ne pense pas que ce soit si anodin), c’est qu’il y a très peu de choses sur la toile concernant l’habillement masculin. Il faut chercher longtemps pour dénicher des choses. Donc bien sûr ça décourage peut-être un peu aussi.
Les projets ...
Dans les mois à venir, plusieurs choses. D’abord, me faire un, voire deux pantalons. Ensuite réussir à achever cette fameuse veste en tweed (vous vous souvenez ? celle pour laquelle j’ai commencé à coudre !), et enfin coudre du velours, pour me rendre compte comme c’est difficile (c’est vrai, il a l’air inoffensif comme ça, le velours, tout doux, tout mignon...). En tricot je commence un pull en jacquard norvégien, j’aimerais faire des moufles aussi, mais avec des aiguilles genre 2,5, pour qu’ils soient très fins et pour pouvoir faire plein de motifs dessus ! Pour terminer, je réfléchis à ouvrir un blog qui aurait pour but de valoriser les hommes qui tricotent et cousent et qui s’intéresserait aux techniques et connaissances particulières à l’habillement masculin.
Silwet
Les débuts ...
J'ai commencé par tricoter afin d'avoir une activité en commun avec ma grand-mère dont je suis proche mais j'ai vite trouvé le tricot limité. Pour l'anniversaire de ma copine, j'ai décidé, une semaine avant la date fatidique, de lui coudre une robe, sur un coup de tête. J'étais à ce moment-là en Normandie, je n'avais aucune notion de couture, ni machine ! J'ai demandé conseil dans LA mercerie de la ville et j'ai cousu sans relâche et à la main en rentrant du boulot, une semaine durant. Et au final la robe était terminée pour le jour J et, chance du débutant, elle lui allait nickel ! Depuis quelque temps, j’aime bien réaliser les choses moi-même. Sûrement une envie de déconnecter du boulot où je suis tout le temps devant un ordinateur.
Face aux autres ...
La première réaction des gens, c'est souvent la surprise, l'étonnement, et puis la moquerie pour certain(e)s aussi, parce qu'un mec qui coud c'est pas viril, c'est pas sexy, la couture, pour beaucoup, c'est une affaire de filles ! Mais au fil du temps les gens comprennent, et certaines personnes s'intéressent et trouvent même ça chouette ! J'ai d'ailleurs quelques amis (sans "e") qui s'y sont mis pour des petites pièces : cravate, noeud papillon. Une anecdote : dans Burda, l'édito démarre chaque mois par "Chères lectrices,..." ça fait plus d'un an que je me dis qu'il faudrait que je leur écrive à ce sujet.
Les projets ...
Je ne sais pas vraiment, mais j'aimerais coudre quelque chose pour ma filleule née en décembre. Je souhaite aussi coudre une robe pour une amie. Je couds pour les autres, alors j'attends les demandes. Je crois que ma copine aimerait bien que je lui fasse une robe pour les mariages auxquels nous sommes invités en 2014 !
A propos de l'auteur : papelhilo
Elle aime la couleur, la récup' et le bidouillage. Curieuse et pleine de ressource, ses découvertes nous font rêver et voyager !
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Commentaires
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Merci pour ces portraits!
Courage les mecs!
J'espère que tu ouvriras ton blog, cela m'intéresserai beaucoup de suivre les péripéties tricots/couture masculines! :)
Super :D
Non contents de coudre avec brio, ils sont les porte étendards d'un mélange des genres et des pratiques et moi, ça me réjouis !
Une femme qui coud c'est "normal" voire un poil rétro. Un homme qui coud, ça choque et interpelle pour le plus grand bien : l'ouverture des esprits et des idées préconçues. Comme les femmes mécano ou dans le BTP, les hommes dans la couture. Moi ça me donne une image du monde qui me plaît mieux.
Je vote pour le blog aussi, et bonne continuation messieurs !
Oui, moi aussi, ça me plaît bien, tous ces hommes qui cousent ! Et il leur en faut du courage , lorsque , déjà, en tant que femmes, nous sommes souvent considérées comme "vieux jeu" et "réac" si nous avouons notre péché mignon !
Je n'ai qu'un mot à dire : "Bravo!"
Je souligne juste que, bien souvent, hommes comme femmes, la transmission est intergénérationnelle ;-)) Ma grand-mère m'a transmis sa passion (et son métier) il y a plus de 40 ans, elle m'a appris à coudre, tricoter, broder ... et mes 2 fils ont également brodé et tricoté lorsqu'ils étaient enfants . Pour l'instant, ça leur a passé ( sous la pression d'un entourage trop "machiste"?), mais j'espère bien qu'ils s'y remettront un de ces jours !
Ca fait plaisir de lire que d'autres s'indignent que les blogs et magazines soient très souvent écrits au féminin ! Comment intéresser les mecs si on les exclue d'entrée de jeu ? Antoine, j'ai hâte de te croiser en plein tricot dans le métro !
Bravo les hommes! Il y a déjà des préjugés vis-à-vis des femmes qui cousent, alors j'imagine que ça doit être encore plus compliqué pour vous. J'espère que vous allez lancer vos blogs. Si oui, vous avez déjà une lectrice!
Bravo les gars on lâche rien !! mais Silwet s'il te plaît modifie ton niveau de couture dans ton profil T&N...débutant tu parles....tu ne l'es plus c'est sûr !
TheSewingMan a raison, Silwet, enlève le niveau débutant : il faut que tu assumes que tu fais des choses balèzes !
En tout cas, moi qui avait l'impression d'être sur le web de la couture un peu comme Robinson Crusoé sur son île, je suis ravi de découvrir d'autres profils originaux.
Quand je marche dans Paris, je vois pas mal de petites boutiques de retouches de vêtements, ou de prêt-à-porter. Deux fois sur trois, c'est un homme derrière la machine... non nous ne sommes pas si seuls je vous assure...
C'est modifié! ;)
Merci pour ces articles sur les mecs, les vrais, Needle Man n'a qu'à bien se tenir!
Bravo les gars ! ça fait plaisir de voir que finalement, nous ne sommes pas que des filles à aimer coudre ! Et puis, je pense que vous avez sûrement un regard et une façon différents des nôtres d'aborder cette activité, c'est très enrichissant je trouve !
Vivement que l'on puisse découvrir vos blogs et bonne continuation à tous !