L'industrie du coton
Les multiples qualités du coton et son prix bas en font la fibre naturelle la plus employée dans l’habillement. Mais quelles sont les conséquences de cette culture massive?
Le coton est une fibre cellulosique d’origine végétale issue de la capsule duvetée et blanche qui entoure les graines. On retrouve des traces du coton jusqu’en 12000 avant JC en Égypte puis au Mexique (5000 av JC) et dans la vallée de l’Indus au Pakistan (1000 av JC). Même si on constate de manière parcellaire la présence de cette fibre dans le bassin méditerranéen, sa connaissance dans le monde gréco-romain reste insignifiante.
Les européens s'étonnaient de voir pousser de la laine dans les arbres. Hérodote écrivait : "Les indiens possèdent une plante qui, au lieu de fruits, porte une laine plus belle et moelleuse que celle de la brebis". La langue allemande a conservé cette image en désignant le coton par le terme Baumwolle, c’est-à-dire laine d’arbre.
Les routes de l’orient apportèrent le coton en Algérie et en Espagne au XIXème siècle. L’Angleterre se dota de métiers à tisser et devint un centre cotonnier important. Se fournissant en Inde, Gandhi lance en 1920 le programme de non-coopération : il incite au boycott des produits anglais manufacturés pour favoriser le tissage local. Avec la découverte du Nouveau Monde, le coton américain, grâce à des hybridations, supplanta le coton d’orient. Mais les Indiens d’Amérique du Nord cultivaient déjà le coton depuis le début du moyen âge. Plus tard, une grande partie de l’économie d’Amérique reposa sur sa culture, liée au trafic des esclaves et aux prisonniers.
Le coton et l’écologie :
Depuis quelques années des organisations (dont l’Organisation Mondiale de la Santé) s’intéressent de près à l’impact de la culture du coton sur la planète, et il se trouve que la production de notre matière première préférée a des conséquences que nous ne soupçonnions pas !
La mer d’Aral est le meilleur exemple pour symboliser l’impact du coton. Se situant à la frontière du Kazakhstan et de l’Ouzbékistan, cette mer grande comme le Portugal est alimentée par deux fleuves. Afin d’irriguer les champs de coton, les deux fleuves ont étés détournés, asséchant considérablement la mer : la surface a été divisée par deux en moins de 20 ans.
Les résidus de produits chimiques polluent l’eau des rivières alentours dans lesquelles les industries textiles rejettent leurs eaux usées. L’écosystème est donc perturbé, l’eau est trop polluée et la salinité trop importante pour accueillir une vie aquatique. Il a fallu une dizaine d'années pour inverser le processus grâce à un système de barrage mis en place par les habitants.
Car s’il faut 900 litres d’eau pour faire pousser un litre de blé, il faut au minimum 7 000 litres pour un kilo de coton !
Le coton et les produits chimiques :
Un deuxième problème de taille survient dans les zones de culture. Lors de la pousse du coton, les champs sont pulvérisés entre 10 à 40 fois par an de pesticides et insecticides toxiques, le tout s’écoulant dans l’eau qui sert à arroser des produits comestibles…
Le DDT fut utilisé pendant plusieurs décennies aux Etats Unis avant d’être interdit en 1972. Ce produit est alors classé comme substance toxique de classe II. Il est maintenant remplacé par du phosphore.
Afin de cueillir les boules de coton, il est nécessaire de « défaner » les plants : on enlève les feuilles grâce à un défanage chimique. C’est un herbicide qui fait donc tomber les feuilles afin de faciliter la récolte. (Ce produit n’est pas inoffensif : les Américains l’utilisaient pendant la guerre du Vietnam en tant qu’arme chimique pour vaporiser les forêts afin d’empêcher les soldats vietnamiens de se cacher).
L’Organisation Mondiale de la Santé estime à 20 000 morts et 1 million de personnes intoxiquées par an, à cause des produits toxiques utilisés pour le coton. La charge de travail est donc supplémentaire pour les services médicaux déjà défaillants dans les pays en voie de développement.
A cela s’ajoutent les teintures chimiques, les apprêts textiles qui permettent d’éviter le froissage du tissu (et cela déclenche des allergies au passage).
Le coton génétiquement modifié :
On s’inquiète des OGM dans notre assiette, mais on le retrouve aussi dans nos coupons de coton. La semence hybride "BT coton" créée par Monsanto résiste aux charançons, et va envahir peu à peu les cultures pour représenter 90% des surfaces cotonnières en Inde. Mais le charançon mute et résiste. Monsanto reconnait maintenant l’inefficacité de sa semence (qui en prime coûte beaucoup plus cher que le coton non modifié et qui est stérile). Les paysans doivent donc réutiliser leurs insecticides en plus grande quantité. La solution de Monsanto ? Acheter leur semence nouvelle génération, Bollguard II !
La physicienne militante de la défense de l’environnement Vandana Shiva soutient les paysans indiens. Sa résistance infatigable contre les OGM dure depuis plus de 25 ans.
Une industrie en voie de responsabilisation :
Fort heureusement, nous avons des solutions alternatives pour apaiser notre conscience et épargner l'environnement. Les mentalités changent, le coton biologique est de plus en plus présent sur le marché, et même si son coût reste plus élevé qu'un coton non bio, il n'est pas plus cher qu'un joli liberty !
Voici une liste non-exhaustive des avantages de ce mode de culture : les engrais et pesticides utilisés sont naturels, le nettoyage du coton se fait à la main (d'où la consommation d'eau moins importante), les eaux usées sont traitées, et les teintures sont sans métaux lourds. Un deuxième article est prévu prochainement pour vous parler plus en détail de cette fabuleuse matière.
Le coton biologique est donc une perspective très encourageante ! En avez-vous déjà cousu ?
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Article très intéressant, merci beaucoup :)
Ca fait se poser des questions, réfléchir, tenter de consommer différemment.
Merci pour cet article ! Ça me motive encore plus pour mes prochains achats. Hâte de lire la suite !
J'avais vu un reportage sur Moncanteau et la culture du blé en Inde... Une réelle tragédie. S'il n'est pas évident pour tout le monde de s'engager dans de grandes causes, choisir un tissus ou une laine bio n'est qu'un petit pas de plus pour une couturière / tricoteuse déjà sensibilisée par les questions de surconsommation.
Vivement le prochain article et merci Lili.
Hyper intéressant merci pour cet éco article :)
ça donne à réfléchir! merci pour l'article Lili!
Merci pour cet article où j'ai appris de nombreuses choses, alors que je suis ingénieur agronome de formation...
J'attends le suivant avec hâte. Avez vous lu "voyage aux pays du coton" d'Orsenna ? Je sais qu'il évoque ces problématiques sans l'avoir lu non plus...
Cet article fait réellement réfléchir sur nos choix de matières premières... J'attends la suite avec impatience
Merci pour cette article que j'ai lu avec grand intérêt. Pour ma part, j'ai déjà cousu du coton bio. Mais j'avoue avoir de la peine à trouver des fournisseurs en Suisse.
Un article très intéressant et qui fait réfléchir! Dommage que ce ne soit pas forcément facile (ni toujours très abordable) de trouver du coton produit dans des conditions éthiques...
Merci beaucoup pour cet article qui fait écho à mes préoccupations écologiques et créatives ! J'attends la suite avec impatience ! A bientôt !
Merci pour cette article. Mais le coton bio n'est pas forcément une solution : ça consomme quand même de l'eau, ça vient de très loin... perso je pense qu'il faudrait mieux développer la culture du lin et du chanvre plutôt que de développer le coton bio ;)
Pour ma part, je couds de temps en temps des tissus de coton bio, de lin, de chanvre. Ces deux derniers n'ont pas besoin d'irrigation ni de pesticides, le problème se pose lors de la transformation de la plante en fibres, on utilise souvent des produits chimiques pour faciliter le travail, mais il existe des alternatives à soutenir. Ces tissus coûtent un peu cher mais pas vraiment plus cher que les tissus de qualité. Ce qui est dommage, c'est que ces tissus sont rares et qu'on peut vite se sentir frustré du manque de choix. Je pense qu'il est important de soutenir les marques existantes pour essaimer ce genre d'initiative.
Ton article tombe pile poil !
Je suis actuellement en train de me tracasser sur la nocivité de mes tissus. Je savais que la culture du coton nécessitait beaucoup d'eau mais j'avais un peu omis les produits chimiques.
Ce qui m'interroge aussi ce sont les encres.
J'ai envie de faire des trucs pour un bébé à venir mais je n'ai pas envie qu'il mette à la bouche des encres toxiques et donc je pensais vraiment me tourner vers les tissus d'origine naturelle et cultivés de manière écologique.
Ton article confirme mon choix.
Merci.
Très intéressant merci !
passionnant article ! et les photos sont magnifiques ! je lisais justement hier un article sur les OGM (ceux qui se retrouvent dans notre assiette par le biais de produits de consommation courants de marques très connues qu'on achète en grande distribution :
http://www.bioalaune.com/fr/actualite-bio/10502/monsanto-produits-boycotter ).
Tout ça fait froid dans le dos et comme les gouvernements sont à la botte des gros lobby agroalimentaires dont Monsanto, c'est vraiment au consommateur de s'informer et d'agir par ses choix responsables et ses boycots !
Le coton bio je suis pour (j'en ai acheté de jolis coupons chez lil weasel) mais ça reste encore (trop) marginal dans les grands magasins de tissus ! à quand des rayons bio dans nos magasins de tissus préférés !
Après les alternatives lin, chanvre, etc, évoquées dans certains commentaires me paraissent très intéressantes mais je n'ai jamais eu l'occasion de travailler ces matières pour l'instant...
Merci beaucoup pour cet article :)
Merci pour cet article très intéressant qui porte à réfléchir. J'ai moi aussi bien hâte de lire la suite !
J'ai toujours privilégié le lin au coton, sachant que l'utilisation de ce dernier est relativement récente dans les pays européens ( l'usage du coton découle des grandes conquêtes coloniales du XVI et XVII ème siècles).
Au Moyen-âge , le chanvre et le lin étaient pratiquement les seules fibres végétales utilisées , avec cet énorme avantage que la production est locale et que le lin produit en Normandie figure parmi les plus belles qualités mondiales !
Quant au chanvre, il s'agit d'une production bio dans tous les cas, cette plante ne nécessitant aucun traitement pesticide et aucun engrais ... il est bon, quelquefois, de revenir aux "fondamentaux".. ;-)
Merci pour cet article il est vraiment intéressant. Je suis ravie de pouvoir suivre un blog aussi bien structuré et construit. Vos articles sont bien rédigés et cible également notre secteur d'activité.
Amitié,
Carrière Industrie
Je viens de terminer "Voyage aux pays du coton " d'Erik Orsenna. Ce bouquin fait écho à ton article. L'auteur explique les méfaits de la culture du coton au niveau de notre p'tite Terre ainsi que toute l'exploitation humaine qu'il engendre. Que cela soit au Mali, en Chine, aux Etats-Unis, au brésil ... et bien, c'est pas joli-joli !