[Rencontre] Victor, couturier professionnel de voiles de bateau.
Ce week-end, j'ai rencontré un beau mec qui manie la machine à coudre avec une dextérité incroyable... Assembler le tissu avec délicatesse, travailler le pied de biche avec doigté, enfoncer l'aiguille dans la matière avec précision...
Trêve de grivoiseries et toutes voiles dehors !
En effet, Victor travaille dans une fabrique de voilerie. Là-bas, grands-voiles, spinnakers, lazy-bags et capots anglais (housses de protections des voiles) sont assemblés grâce à des machines à coudre professionnelles .
L'assemblage
Les patrons des voiles sont d'abord conçues sur un logiciel informatique. Puis la découpe précise des pièces se fait au laser chez un sous-traitant spécialisé.
Un colis est justement arrivé lors de ma visite. Victor a gentiment déplié la voile en kit sous mes yeux, en m'expliquant que le premier assemblage de la voile se fait, tout simplement, avec du scotch double-face. Précision et concentration sont de rigueur. Les voiles sont, en effet, pleines de courbures subtiles qui permettent de leur donner les bonnes déformations à l'effort : elles ne doivent pas faseyer (voile insuffisamment bordée), ni raguer (=user) et encore moins se déchirer. (voile « trop dans le vent »;)) Oui, moi aussi je me suis couchée plus instruite que le matin...
Ensuite, il faut bien les coudre ces voiles. La machine à coudre adaptée se choisit en fonction de la matière. Si celle-ci est en laminés, donc plus épaisse, il vous faut la MAC de compèt' qui marche avec un compresseur, avec des aiguilles de 200 (WEIRD !!). Si elle est en polyamide ou polyester, la petite fera l'affaire.
Les accessoires de voilerie comme les housses ou les selleries intérieures en acryliques se travaillent avec une MAC légère et facilement manoeuvrable, facilitant la pose de fermeture-éclair par exemple.
Le passage délicat dans la couture d'une voile d'après Victor est la fixation des sangles de renforts : plusieurs épaisseurs renforcées par des bandes droits-fil passepoilées avec des bouts, eh ben c'est pire que de faire une double couture à l'entrejambe de votre jean, paraît-il !
La MAC à compresseur
Le point le plus usité semble être un zig-zag en 6 temps. Il répartit mieux les tensions que le point droit. Attention ! Il faut bien coudre sur la double épaisseur : trop de points qui se baladeraient sur la partie centrale de l'ouvrage entraineraient un risque accrue de déchirure. Votre voile souffrirait ainsi d'une durée de vie réduite.
Les oeillets en inox permettent la fixation de la voile aux gréements grâce à une batterie de poinçons et d'emporte-pièces de toutes tailles.
L'atelier
Comme vous pouvez le voir sur les photos, l'atelier est conçu un peu comme un bateau : le pont correspond au sol, et vous êtes capitaine de votre MAC dans une cabine découpée dans le sol.
Par conséquent, votre voile est à même le sol : porter des charentaises au boulot devient donc une nécessité pour ne pas abimer votre ouvrage ! Le rêve...
Victor
Victor, après avoir découvert le plaisir que pouvait procurer une MAC, a décidé de se lancer dans la couture disons plus traditionnelle...ils se confectionnent des fringues pour lui. Un garçon décidément, à voile et à vapeur ! J'ai voulu en savoir plus sur la naissance de cette passion dans une petite interview...Extraits.
Quand tu as été embauché ici, connaissais-tu le maniement des machines à coudre ?
« C'est chaud au début, Au début tu fais pas mal de conneries, la machine part vite, un coup d'aiguille à côté, ça va vite. Je faisais surtout du collage, puis ça vient vite, au bout de 2 mois je cousais. Maintenant je suis tout seul, j'appelle François (le boss NDLR) quand j'ai des questions, et il y en a vachement. » […] « Toutes les voiles sont différentes, œillets, sangles, longueur de sangles, faut pas déconner, si il n'y a pas assez de renfort, ça pète hyper vite. » […] « Ca arrive que les voiles reviennent, il faut que le creux soit bien positionné, il faut que la chute s'ouvre mais pas trop... ça dépend aussi des mats, il y en a qui sont flexibles. C'est compliqué de tomber juste du premier coup. »
Qu'est ce qui t'as donné l'idée de te lancer dans la couture-maison ?
« Quitte à savoir utiliser une machine, autant se faire ses fringues. L'idée m'est venu tout seul j'ai voulu essayer une chemise. Mais c'est plus dur de faire une chemise, les coutures sont plus droites sur une voile, il y a des grosses longueurs. Enfin ça dépend, chacune ont leurs difficultés, poser un galon sur une voile, ça peut être super galère.
Le seul point commun c'est de savoir utiliser la machine, mais après y 'a pas de autres points communs, y'a pas de pieds de col sur une voile ! (rires) » [...]
« Je bloque sur une chemise là...comment ça s'appelle déjà là ? un plastron ! C'est un plastron double, il y a deux parties je ne sais pas comment le coudre, il faudrait que je vienne avec au café-couture ! C'est chaud, j'ai retourné le problème dans tous les sens... (NDLR : je vous épargne la partie explications techniques incompréhensibles sans support dans laquelle je me suis lancée!) […] « J'ai quelques Burda d'avance. »
Et votre idée de collectif de couture avec tes potes, ça en est où ?
« Oui, le collectif Culs et Chemises. Pour l'instant c'est un peu en stand-by. Les portes-clés sont sortis. J'ai fait 3 chemises, pour l'instant et on a fait un porte-clé... A la base on voulait juste coudre des chemises, ça a finit en projet de start-up, en firme multinationale... » [...]
« L'idée de monter une boite est concrète, j'ai envie de faire des belles chemises, j'ai 4 machines chez moi : une Singer qui fait un point droit, une autre qui fait tous les points, une autre à laquelle il manque le pied et une autre que je veux réparer moi-même. « (NDLR : Victor est en cours d'apprentissage de resynchronisation des MAC. Dans leur atelier, ils sont obligés de le faire régulièrement)
Pour clore cette petite plongée dans l'univers de la voilerie, je vous propose une dernière vidéo qui rend bien compte de la difficulté de la couture d'une voile, du fait de sa taille.
Remerciements à Victor, pour la visite guidée. Merci aussi à Thomas et François de ULMO, l'entreprise de voilerie.
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Sympa cet article, merci !!!
ça doit être très très chaud de coudre autant de longueur, et la pression quand la voile revient à l'atelier... Et sinon ils font quoi des chutes de voiles ? ;DD
Merci pour cet article :)
Ce boulot de dingue !! J'adore le petit film et sa place pour coudre
"Plusieurs épaisseurs renforcées par des bandes droits-fil passepoilées avec des bouts"
J'ai frémi.
C'était très intéressant sinon !
Merci, article très intéressant :-)
C'est chouette les gars qui cousent, j'aime l'idée du collectif "Culs et Chemises" !!
c'est super interessant! merci!
Merci!
Il y a effectivement beaucoup de chutes de voiles. Ils en font des sacs! Mais d'après Victor, ils ne les vendent pas beaucoup, le style "voileux" ne doit pas être trop à la mode en ce moment! ;)
un article pour un métier qui sort de l'ordinaire, super intéressant merci!
Super !! Très intéressant !! Je serais bien venue avec toi faire la petite souris dans l'atelier.
J'adore leur idée du collectif culs et chemises. Je me suis déjà posée la question, est-ce que des mecs cousent pour eux, pour se faire des fringues ? J'adorerais en voir plus ici. C'est fou comme en discutant avec certains, c'est pas les idées qui manquent ! Les fringues pour homme, c'est beaucoup dans le détail très discret qui doit rester sobre et portable. Je suis sûre qu'ils nous donneraient une autre vision de la couture et un ptit truc en plus pour que ça rende nos projets plus sobres et pro...
Super article ! merci pour ce partage
Merci pour cet article ! Je regarderai les bateaux et leurs voiles d'un autre oeil cet été ! :)
Très intéressant, merci beaucoup !!
Excellent cet article! Très instructif!
Super article!
M'est d'avis que le Monsieur galère sur le modèle 142 du burda de décembre 2012 non ? :D (http://www.burdafashion.com/fr/Magazines/burda_Style/142_Chemise_Lui/1270777-1000019-1797981-1797987-1798047.html )
&&& Le Papillon! Tu as surement bien vu! Je verrais ça au prochain café-couture auquel Victor participe parfois!
Il est déjà pris cet homme là???
Moi aussi j'ai galéré sur la chemise à plastron du Burda de décembre. J'ai finalement fait une patte polo à la place du plastron.
merci pour l'article...dans ma ville en Suisse deux frères font des sacs en chute de voile de bateau allez jeter un oeil sur le site ça vaut la peine:
http://www.rondechute.ch/new/
Superbe découverte!
Mon père a un ami avec qui on faisait de la voile qui s'est également mis à la couture. Je ne pense pas qu'il fasse des voiles, mais des housses de protections et des vêtements pour les skippers, oui. Comme je ne l'ai jamais vu à l’œuvre, je suis ravie de cet article. :)
Super article, c'est une jolie découverte.
Je suis assez jalouse de l'espace de travail de la MAC qu'on peut voir dans la v idéo :-D