Métier costumière
Aujourd'hui je vous propose de découvrir un peu mieux le délicat métier de costumière de théâtre grâce à une créatrice canadienne particulièrement douée et touche-à-tout, Ariane Genet de Miomandre.
Est-ce que tu peux présenter ton parcours professionnel en quelques mots ?
J'ai commencé à présenter un "don artistique" toute jeune. Je ne faisais que dessiner en classe et de préférence des jolies jeunes filles bien fringuées. Au grand chagrin de ma compréhensive mère, je détestais l'école et elle m'a mise dans une école à vocation artistique vers mes 10 ans. Sauvée. Les matières académiques ont étés honorées de mieux en mieux jusqu'à ce que je devienne une première de classe dans mes deux dernières années de classes normales. On faisait, dans cette école, de la musique, du chant, des arts plastiques et du théâtre. J'ai beaucoup hésité entre arts visuels ou théâtre par la suite mais j'ai fini par faire 2 ans d'arts plastiques et communications. J'ai pourtant envisagé de faire autre chose que de l'art à l'univ mais finalement je suis partie réfléchir en Angleterre. Là-bas j'ai compris que amour de la mode + don pour les arts visuels + passion du théâtre = conception décors et costumes de théâtre ! Donc après un détour en école de peinture décorative à Bruxelles et 3 ans à Paris, je suis retournée dans ma ville natale, Montréal, pour intégrer l'école Nationale de théâtre du Canada, en scénographie. Ça a duré 3 ans.Qu'est-ce qui t'a amenée à la couture ?
La nécessité ! Au début, ce sont de petites compagnies qui m'ont engagée... et encore maintenant. Qui dit petite compagnie dit "peu de budget". Alors il y a déjà peu pour la conceptrice de costumes mais si en plus on veut une assistante ou une couturière, on peut aller se rhabiller ! En tous cas habillée ou pas : on perd le contrat... On ferme donc sa gueule et on apprend à coudre. Bien sûr qu'on pourrait se débrouiller avec des vêtements recyclés déjà faits mais 1- il faut bien ajuster à nos comédiens 2- C'est parfois moins cher et moins compliqué de faire ça soi-même puis 3-on n'étudie pas la conception pour travailler avec des jeans et des t-shirts! On est tout fou quand on sort de l'école, on se voit déjà faire des robes élisabéthaines croisées avec des ailes d'insecte et des armures de samouraï... Disons qu'il ne reste plus qu'à s'en donner les moyens!!Concrètement quelles sont les différences entre une costume de théâtre ou de danse et une tenue destinée à être portée tous les jours ?
Immense ! N'ayant jamais reçu de formation de couture proprement dite, je suis terrifiée par les fermetures éclair et préfère travailler avec des élastiques, ce qui est apprécié, au théâtre, quand il y a des changements de costumes rapides dans le noir. Idem pour les boutonnières et les velcros ou les boutons pressions, c'est carrément mieux ! Pareil, j'ai une patience infinie pour peindre des lignes ou autres sur un tissu uni parce que je n'ai pas trouvé ce que je veux exactement comme sur mes dessins ou pour découper chaque feuille d'un costume rituel africain, mais aucune patience pour les finitions qu'on ne voit pas de loin. C'est l'art du bluff. Ça a l'air époustouflant mais c'est bourré de défauts et on s'en accommode parce que ce n'est parfois porté que 3 fois!Couds-tu pour toi ou bien est-ce que le cordonnier est effectivement toujours le plus mal chaussé ?
Comme les finitions m'ennuient, je représente parfaitement l'adage ! Je n'ai jamais rien cousu pour moi... Franchement, un costume me prend tellement de temps que je finis par trouver plus rentable de l'acheter et travailler plus pour me le permettre mais ça c'est parce que je n'ai pas de formation. J'achète très peu de vêtements, en fait, parce que je ne me considère pas moi-même comme une œuvre d'art et parce que je suis contre la consommation excessive. J'admire cependant les personnes qui font leur propre garde robe atypique ou juste jolie et adaptée, unique et à peu de frais. J'admire aussi les personnes qui sont, elles, des œuvres d'art. Il faut pouvoir assumer ! Pour moi-même, j'ai peu d'idées, juste des coups de cœur quand je vois le travail de quelqu'un d'autre. Il faudrait écrire une pièce sur moi et me commander les costumes pour que je me sente inspirée!Je travaille dans l'école normale où j'ai moi-même étudié. Nous avons un costumier et je donne les cours de conception et réalisation des costumes à des 14-16 ans ce qui fait que je me spécialise en costume plus qu'en décors c'est surtout l'humanité derrière le costume et aussi le fait qu'il est réutilisable et transformable plus facilement qu'un décor. Je ne jette jamais rien, les chutes de tissus non plus.
Quel est le costume que tu as eu le plus de plaisir à réaliser et pourquoi ?
Un costume transformable pour un monologue de Phèdre, façon japonaise. C'est simple : On met rarement en scène sa propre vie mais au théâtre, on décide de l'évolution ou des mouvements des costumes ; c'était inspiré d'une expo de costumes de Miazake et la ceinture de la robe faisait d'abord un faux cul avec un manteau dessiné exprès puis l'actrice dénouait la ceinture et le faux cul disparaissait pour laisser place à un genre de kimono avec une immense traine qui finissait par être nouée à une structure et la traine était soulevée dans les airs jusqu'à ce que l'actrice se dégage entièrement de son kimono et se retrouve dans une simple robe avec des transparences qu'on se saurait exhiber dans la rue... Malheureusement pas de photo de la traine suspendue dans les airs. Autre chose : l'idée de suivre la mode m'a toujours déplu depuis mes 15 ans. Le costume de théâtre, c'est la liberté de la suivre ou pas, de mélanger des styles, de mettre sur scène des trucs importables et d'aller emprunter aux autres pays et autres époques. Pur bonheur...Qu'est-ce que tu détestes faire en couture ?
A part les fermetures éclair, les boutonnières et les finitions intérieures, parfois les transformations m'embêtent plus que de faire le patron à neuf. Je ne travaille d'ailleurs pas avec des patrons commerciaux car quand j'ai une idée en tête et que transformer ce que j'ai sous la main est trop compliqué alors c'est signe que je ne lâcherai prise sur aucun détail (de coupe) et que je dois faire du moulage sur mannequin. Quand j'ai le temps de le faire, c'est ce que je préfère.Que deviennent les costumes une fois les spectacles finis ? Est-ce qu'il t'arrive d'en porter des pièces dans la vie courante ?
Ça dépend des conceptions. Quand j'étais à l'école Nationale de théâtre, j'ai racheté plusieurs morceaux que j'avais designés ou achetés pour d'autres afin de les porter moi. Le reste allait dans le costumier de l'école qui fait une super vente tous les un ou deux ans. Maintenant que je travaille dans une école qui a des petits budgets, je réutilise et transforme beaucoup. Chaque fois ça retourne dans notre costumier après utilisation et j'avoue qu'il m'arrive de prêter à des amis concepteurs de costumes pour aider à réduire leurs frais. J'avoue que pour ma propre compagnie j'emprunte aussi beaucoup au costumier de l'école et finalement, oui : Je porte parfois certains morceaux que je rapporte la semaine d'après... pour porter un jour ordinaire ou pour une soirée costumée... mais chuttt! Ça c'est un secret.Quelle est ton actualité ?
Les activités de ma compagnie avec mini bio de moi et de tous mes collaborateurs, on trouve ça à www.mythomanie.ca. Il y a aussi une page facebook "compagnie mythomanie".Où peut-on voir tes travaux ?
Je viens de parler de réalisations faites lorsque j'étais étudiante puis comme travailleur autonome puis avec les jeunes de l'école où je travaille et avec ma propre compagnie, Mythomanie. Toutes ces réalisations ou presque sont visibles, même sur le profil limité de ma page facebook sous mon nom, Ariane Genet De Miomandre.Merci beaucoup à Ariane de s'être aussi bien prêtée au jeu de l'interview. Si vous habitez le Québec, ne manquez pas la pièce actuellement jouée par sa compagnie, L'étrangère, une Médée en Afrique, jusqu'au 23 octobre au Studio Hydro-Quebec du Monument-National, 1182 bd Saint Laurent, billetterie : 514.871.22.24
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